Le décryptage bimensuel de l'actualité juridique et statutaire
NUMERO 56 - Janvier 2025
Le décret n°2024-1207 du 23 décembre 2024 introduit des modifications à la procédure de titularisation des apprentis en situation de handicap dans le secteur public non industriel et commercial. Cette titularisation, prévue par l'article 91 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique, s'applique à l'issue de leur contrat d'apprentissage.
Depuis le 7 août 2019, une expérimentation vise à favoriser l’égalité professionnelle des travailleurs en situation de handicap. Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi (art. L. 5212-13 du code du travail) peuvent être titularisés dans le corps ou cadre d'emplois correspondant à celui de leur apprentissage, sous réserve :
>> De la vérification de leur aptitude professionnelle.
>> De l'avis d'une commission de titularisation basée sur leur parcours professionnel et un entretien préalable.
Le décret n°2020-530 du 5 mai 2020 détaillait les modalités de cette expérimentation, prolongée jusqu'au 6 août 2025 par la loi n°2020-734 du 17 juin 2020.
Le décret n°2024-1207 apporte de nouveaux aménagements applicables dès le 25 décembre 2024 :
1. Conditions de titularisation : niveau de diplôme
La titularisation dans un cadre d’emplois d’accueil est désormais conditionnée à la possession d’un diplôme équivalent au niveau requis pour l’accès à ce cadre d’emplois par voie de concours externe. Le diplôme préparé par l’apprenti pendant son contrat d’apprentissage n’est plus pris en compte.
2. Délais et procédures de candidature
Information des apprentis
Les apprentis doivent être informés individuellement, par l’autorité territoriale ou le maître d’apprentissage, de leur possibilité de demander une titularisation.
Dépôt de la demande
La demande de titularisation doit être adressée :
>> Au moins 4 mois avant la fin du contrat (au lieu de 3 mois).
>> 6 mois avant la fin, si le contrat dure plus d’un an.
Décision de l’autorité territoriale
L’autorité territoriale dispose désormais de 3 mois (au lieu d’1 mois) pour :
>> Proposer une titularisation et des offres d’emploi.
>> Informer le candidat de l’absence de suite à sa demande.
3. Commission de titularisation
Audition du candidat
L’entretien doit avoir lieu au plus tard 15 jours (au lieu d’un mois) avant la fin du contrat.
Évaluation par la commission
La commission évalue :
>> Les capacités du candidat à exercer les missions liées au cadre d’emplois.
>> Sa motivation, son bilan d’apprentissage et son parcours professionnel.
>> Ses connaissances de l’environnement professionnel.
À l'issue de l'examen du dossier, elle peut :
>> Décider d’une audition.
>> Solliciter un avis extérieur si nécessaire.
Avis final
La commission émet un avis sur l’aptitude à titularisation.
Les aménagements apportés par le décret n°2024-1207 visent à mieux encadrer la titularisation des apprentis en situation de handicap, tout en harmonisant les délais et les critères d’évaluation. Ces évolutions s'inscrivent dans une démarche d’amélioration continue pour renforcer l’insertion des travailleurs handicapés dans la fonction publique.
Faits : Mme C a été employée par une commune sous forme de contrats de vacation conclus par intermittence en tant que guide-conférencière. Elle a demandé la reconnaissance de son statut d’agent contractuel recruté dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI), ainsi que la régularisation de sa rémunération, de ses droits sociaux et de ses droits à pension. Le maire a rejeté ces demandes. Face à ce refus, la requérante a introduit un recours administratif en vue de faire requalifier son statut de vacataire en celui d’agent contractuel, conformément aux dispositions du décret n°88-145 du 15 février 1988, d’obtenir sa réintégration sous contrat à durée indéterminée, et de régulariser sa situation administrative et financière.
Moyens : Le juge administratif rappelle que, pour qu’un agent public puisse prétendre au statut d’agent contractuel, il doit être établi qu’il répond à un besoin permanent de l’administration. Un agent recruté pour l’exécution d’actes déterminés, même à plusieurs reprises, ne peut être requalifié en agent contractuel si ces missions sont ponctuelles et liées à des besoins non pérennes.
En l’espèce, la requérante, guide-conférencière, invoque la régularité et la quantité de ses contrats pour justifier la reconnaissance de son statut d’agent contractuel. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à établir qu’elle occupait un emploi répondant à un besoin permanent de la commune. Les contrats en question différaient en nombre et en durée d’une année sur l’autre, variant d’une journée à un mois. De plus, aucune preuve n’a été apportée démontrant que ses missions étaient prévisibles ou systématiquement renouvelées.
Les contrats visaient le décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Or, selon l'article 1er de ce décret, les dispositions qu’il prévoit ne s’appliquent pas aux agents engagés pour des tâches ponctuelles et limitées à des actes déterminés.
Enfin, bien que les interventions de l’intéressée aient contribué à la mise en œuvre de la politique de valorisation du patrimoine culturel de la commune, cela ne constitue pas, en soi, la preuve de l’existence d’un besoin permanent.
En conséquence, le maire était en droit de refuser la requalification de son statut de vacataire en celui d’agent contractuel. Sa décision, fondée sur les dispositions légales et règlementaires applicables, n’est pas entachée d’illégalité.
Ce qu’il faut retenir : Un agent recruté pour des missions ponctuelles et limitées, même de manière répétée, ne peut prétendre à une requalification en agent contractuel s'il n'est pas démontré que ses missions répondent à un besoin permanent de l'administration. La régularité ou le nombre de contrats ne suffit pas à établir cette permanence, surtout en l’absence de preuve de prévisibilité ou de systématicité des tâches. Le décret n°88-145 du 15 février 1988 exclut explicitement les agents vacataires de son champ d’application. Par conséquent, la décision de refuser cette requalification est légale.
Lien : Cour administrative d’appel de Douai, 4 décembre 2024, n°23DA01204
Ce qu’il faut retenir : Un chef de service n’est pas fondé à soutenir avoir fait l’objet d’un harcèlement moral de la part de son employeur, en ce que ce dernier a modifié temporairement ses attributions en lui confiant des missions sans encadrement, et a procédé au déménagement de son bureau dans un autre bâtiment, dans la mesure où ces décisions ont été prises afin de le protéger et de désamorcer le conflit qui l’opposait à deux de ses agents qui refusaient de servir en sa présence, alors que l’administration a mis fin à ces mesures dès que la situation l’a permis.
Le décret n°2024-1263 du 30 décembre 2024, publié au Journal officiel le 31 décembre 2024, introduit des mesures visant à assouplir les conditions d'accès au temps partiel pour les fonctionnaires occupant un emploi à temps non complet et les agents contractuels. Ces dispositions, applicables à compter du 1er janvier 2025, renforcent l’attractivité de la fonction publique et alignent le droit français sur l’article 9 de la directive 2019/1158 relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.
Modifications pour la fonction publique territoriale
Temps partiel sur autorisation
Le décret intègre la possibilité, pour les fonctionnaires et agents contractuels à temps non complet, de bénéficier d’un temps partiel sur autorisation. Ce temps partiel peut être fixé à 50%, 60%, 70%, 80% ou 90% de la durée hebdomadaire des agents à temps plein exerçant les mêmes fonctions.
De plus, la condition d’ancienneté d’un an, jusque-là nécessaire pour que les agents contractuels à temps complet puissent en bénéficier, est supprimée.
Temps partiel de droit
Pour les agents contractuels souhaitant bénéficier d’un temps partiel de droit en cas de naissance ou d’adoption, la condition d’ancienneté d’un an est également supprimée.
Harmonisation réglementaire
Le décret actualise les références contenues dans le décret n°2004-777 pour les aligner sur les dispositions désormais codifiées dans le Code général de la fonction publique (CGFP).
NUMERO 55 - Janvier 2025
Faits : M.A, agent de maîtrise principal, a été sanctionné par un arrêté du 17 juillet 2020 entraînant sa révocation. Cette décision a été motivée par plusieurs faits : l’utilisation de moyens du service public et de l’administration à des fins personnelles, accompagnée de la perception de rémunérations directes et personnelles de la part d’usagers ; des comportements inappropriés envers une administrée ; et une atteinte au principe de probité.
Moyens : Tout fonctionnaire ayant commis une faute dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions s’expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice des peines prévues par la loi pénale. La révocation constitue une sanction disciplinaire de quatrième et dernier groupe.
En l’espèce, dans le cadre de ses fonctions, M. A. a été sollicité par une administrée de la commune pour l’aider à remplir un dossier d’urbanisme, en demandant une rémunération de 500 euros pour lui-même et 800 euros pour un architecte qu’il avait recommandé. Le dossier ainsi constitué était incomplet et non conforme, mais M. A. a néanmoins conseillé à l’administrée d’engager les travaux. Bien que M. A. conteste avoir utilisé sa qualité de technicien communal dans ses échanges, aucun élément du dossier ne permet de confirmer cette affirmation, contredite par les déclarations de l’administrée.
En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A. a fait preuve d’un manque de diligence répété dans l’exécution de ses tâches, s’est présenté à plusieurs reprises en état d’ébriété sur son lieu de travail, et a fait preuve de comportements violents, incluant la séquestration de son supérieur hiérarchique. Il avait par ailleurs déjà fait l’objet d’une sanction de rétrogradation en 2008 pour manquements à ses obligations professionnelles.
Ce qu’il faut retenir : Les faits reprochés à M. A., notamment son état d’ébriété répété sur son lieu de travail et ses accès de violence ayant conduit à la séquestration de son supérieur hiérarchique, justifient pleinement la sanction de révocation.
Lien : Cour administrative d’appel de Nancy, 3 décembre 2024, n°22NC00492
La protection fonctionnelle est la protection due par l’administration à ses agents à raison de leurs fonctions. En tant qu’agent public, si vous êtes victime d’une agression ou que votre responsabilité civile ou pénale est mise en cause, en lien ou compte tenu de vos fonctions ou de votre qualité d’agent public, la collectivité publique doit vous protéger. C’est ce qui s’appelle la protection fonctionnelle.
A ce titre, la DGAFP a publié une présentation synthétique des principaux enjeux de la protection fonctionnelle. Au sommaire : les cas dans lesquels un fonctionnaire ou un non-fonctionnaire peut bénéficier de la protection fonctionnelle, les démarches à entreprendre, les mesures de protection possibles, le rejet d’une demande de protection fonctionnelle, la prise en charge des frais d’avocat…
Lien : Plaquette de présentation « La protection fonctionnelle des agents publics » publiée par la DGAFP
Faits : Mme L., secrétaire administrative de classe exceptionnelle au ministère de l’Économie et des Finances, a été détachée auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour une durée d’un an par un arrêté du 29 avril 2019. Le 30 janvier 2020, la Caisse des dépôts a décidé de ne pas renouveler son détachement. Mme L. a déposé un recours gracieux contre cette décision en mars 2020, recours rejeté en avril 2020. À la suite de ce rejet, la Caisse des dépôts a cessé de lui verser la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI) par un arrêté en mai 2020. Mme L. a alors saisi le tribunal administratif de Paris pour demander l’annulation de cet arrêté. Par un jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Mme L. a interjeté appel de cette décision.
Moyens : Le détachement place un fonctionnaire hors de son corps d’origine tout en lui permettant de conserver ses droits à l’avancement et à la retraite dans ce corps. Il est accordé à la demande du fonctionnaire, pour une durée limitée, et peut être révoqué. À l’expiration du détachement, le fonctionnaire est réintégré dans son corps d’origine, sauf intégration dans le corps d’accueil.
En l’espèce, la décision litigieuse du 30 janvier 2020 constitue un refus de renouveler le détachement de Mme L. à son échéance, et non une révocation avant terme. En l’absence de disposition prévoyant un droit au renouvellement, Mme L. ne peut prétendre à ce dernier. Par conséquent, la décision de non-renouvellement n’a pas à être motivée au titre de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration, car elle ne prive pas Mme L. d’un droit ou d’un avantage acquis.
Concernant la cessation du versement de la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI), celle-ci est conditionnée à l’exercice effectif de fonctions ouvrant droit à cet avantage. À la date où Mme L. a cessé de percevoir la NBI, elle n’occupait plus d’emploi à la Caisse des dépôts et consignations, ayant été réintégrée de droit au ministère de l’Économie et des Finances. En conséquence, la Caisse des dépôts était fondée à cesser le versement de la NBI, Mme L. ne remplissant plus les conditions pour en bénéficier.
Ce qu’il faut retenir : Un fonctionnaire détaché n’a aucun droit au renouvellement de son détachement à son échéance, sauf disposition contraire. De plus, la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI) est conditionnée à l’exercice effectif de fonctions y ouvrant droit. En cas de réintégration dans le corps d’origine, l’agent ne peut plus prétendre au versement de la NBI liée à son emploi précédent.
Lien : Cour administrative d’appel de Paris, 18 décembre 2024, n°22PA05291
Rappel sur le référé suspension : Le référé-suspension est une procédure d'urgence. Elle permet de demander au juge administratif de suspendre en urgence l'exécution d'une décision administrative dont la légalité est contestée. Les conditions d’utilisation de cette procédure sont les suivantes :
- Avoir déposé au préalable une requête en annulation ou en réformation contre la décision dont vous réclamez la suspension ;
- Justifier de l'urgence qu'il y a à suspendre l'exécution de la décision ;
- Démontrer qu'il y a de sérieuses raisons de penser que la décision est illégale ;
- Démontrer que la décision n'est pas entièrement exécutée.
L’urgence est étudiée à la date où le juge des référés statue sur la demande de suspension.
Faits : M. B., agent au sein du Conseil départemental de l’Oise, a été sanctionné d’une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, dont un an avec sursis. Il a saisi le tribunal administratif d’Amiens d’un référé suspension contre cette décision, mais sa demande a été rejetée. M. B. s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’État sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative (CJA).
Moyens : L’article L. 521-1 du CJA subordonne le référé suspension à une condition d’urgence, qui est remplie lorsque l’exécution de la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant, ou aux intérêts qu’il défend.
En particulier, une mesure privant un agent public de la totalité de sa rémunération pour une durée excédant un mois est en principe regardée comme causant une atteinte grave et immédiate à sa situation personnelle. Toutefois, cette présomption peut être écartée si l’employeur démontre des circonstances particulières, telles que des ressources suffisantes de l’agent, des nécessités de service, ou un autre intérêt public, que le juge des référés doit apprécier globalement.
Dans cette affaire, le tribunal administratif a estimé que M. B. ne justifiait pas que la privation de son traitement pendant douze mois aurait gravement affecté ses conditions d’existence, et a conclu que la condition d’urgence n’était pas remplie. Cependant, le Conseil d’État a jugé que cette décision méconnaissait les principes de l’article L. 521-1 du CJA, et a déclaré que le juge des référés avait commis une erreur de droit. M. B. était donc fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.
Ce qu’il faut retenir : La privation totale de rémunération d’un agent public pour une durée excédant un mois constitue, sauf circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate justifiant la condition d’urgence pour un référé suspension. Le juge des référés doit apprécier cette urgence en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.